• GRAND DESTIN

                                         

                                             Grand destin:

                               Jacques BREL, l'aventure à tout prix

    GRAND  DESTIN

    Il aurait eu 90 ans le 8 avril. Intenses, passionnées, ses chansons n'ont pas pris une ride. Elles sont le reflet d'un homme qui a brûlé sa vie.

    Fin de journée grise à Bruxelles. L’enfant au regard doux rentre de l’école avec son grand frère. La désolation s’est engouffrée dans la maison. Maman a voulu mourir. Elle s’est asphyxiée au gaz. Papa la trompait. Une mère est-elle toujours une mère lorsqu’elle est capable d’abandonner ses garçons? 
    Premier traumatisme de Jacky, premier malentendu avec les femmes: elles ne sont pas fiables.

    Pourtant, il a été sage. Il n’est pas si mauvais élève dans sa petite école catholique, il est un gentil enfant de chœur qui chante le dimanche à l’église. Mais peut-être n’est-il pas à la hauteur? Déjà, il a failli. Il n’est pas la fille que ses parents attendaient. Bien avant sa naissance, ils ont perdu des jumeaux, Pierre et Nelly, lorsqu’ils vivaient en Afrique. De retour à Bruxelles, ils ont mis au monde un nouveau Pierre en 1923 et ont espéré ardemment une nouvelle Nelly. Mais, le 8 avril 1929, c’est Jacques qui a pointé son nez.  

    Un cancre pendant la guerre 

    Maman a survécu mais elle a changé. Elle a pris un amant, un professeur de Jacky. Tout le monde le sait, personne n’en parle. Le père s’en accommode. Il travaille pour oublier, à la tête d’une usine de carton. Pierre et Jacky souffrent en silence. Méfiance, la femme est maléfique. Pour BREL, elle le demeurera tout au long de sa vie. La femme infidèle traversera ses chansons. Plus tard, il enregistrera "Lorsque maman reviendra", bouleversant du même coup son frère Pierre et leur mère qui se mettra à pleurer en l’entendant: regret d’avoir blessé ses fils?  

    L’homme ligoté par la femme lui fera horreur. "Je n’ai jamais vu mon père rire", dira BREL. Le quotidien, "chez ces gens-là" est morose, étriqué. Heureusement, papa joue du piano et maman chante, rares moments de bonheur familial. Au dehors, la guerre est arrivée. Jacky devient cancre. La seule chose qui l’amuse: faire rire ses copains. Alors qu’il doit tripler sa troisième, son père l’arrache à son institution privée pour le propulser à un poste de commercial dans la cartonnerie familiale avec, en ligne de mire, un avenir de patron.  

    À 18 ans, Jacques BREL est devenu un petit monsieur dans l’usine de papa. Son oxygène, il le trouve dans un groupe de jeunes catholiques militants, La Franche Cordée. Là, il écrit et monte des pièces de théâtre. Là, il tombe amoureux. Il est à peine majeur lorsqu’il épouse Thérèse Michielsen, dite Miche. Et pas tellement plus vieux lorsque naît leur première fille Chantal en 1951. La vie est sur des rails, il a un poste enviable, une famille et un petit appartement à Molenbeek, entre la cartonnerie et le cimetière. Assoiffé d’aventure, il ronge son frein. "Pourquoi je n’ai pas pu rester comme les autres, derrière le bureau où la vie m’avait placé?" se demandera BREL. Avant de conclure: "Parce que j’avais peur de devenir trop vite mort, trop vite vieux."  

    Le rêve de Paris 

    Il commence à composer des chansons qu'il interprète à la guitare. Il se produit à La Rose noire, un cabaret sur la grand’place de Bruxelles, et rêve de Paris. Il enregistre un 78 tours qu’il envoie à Jacques Canetti, maître du théâtre des Trois Baudets et pilier de Philips. Miche est enceinte de France lorsque son mari abandonne tout pour tenter sa chance à Paris. Son père l’a renié, mais sa mère lui a promis son soutien. Elle veillera sur Miche et les enfants. Lui, espère naître enfin dans cette capitale française où il n’est venu qu’une seule fois, au Salon de l’emballage, en 1951. Il monte dans le train avec son billet de troisième classe et son sandwich préparé par Miche, le meilleur du monde se souvient-il, "parfumé à l’aventure, à l’espoir, au bonheur".  

    Mais il ne suffit pas de se dire Grand Jacques et de brûler d’un feu ardent pour emporter d’une seule tornade l’adhésion des foules. Sur la scène parisienne, cet ancien scout n’est encore qu’un type dégingandé, aux oreilles trop grandes, aux bras trop longs, aux cheveux trop plats, aux dents proéminentes, à la veste austère, sombre et sans col, qui lui vaut le sobriquet  "d'abbé BREL ", lancé par Georges Brassens. Tenace acharné, il obtient quelques engagements mais rien à la hauteur de ses espérances. Il erre de cabaret en cabaret, se nourrit de sandwichs au camembert. Aux Trois Baudets, il rencontre celui qui va devenir l’ami de sa vie: Georges Pasquier, dit Jojo. L’homme a une conscience politique de gauche qui vient bousculer la manière de penser et d’écrire du jeune Brel. 

     

    Les années de vaches maigres lui paraissent une éternité. En réalité, elles durent peu. Dès 1956, il connaît un premier succès à la radio avec "Quand on a que l’amour". Le pianiste François Rauber, qui va devenir son arrangeur, le convainc d’abandonner la guitare pour travailler sa présence sur scène. Dès lors, BREL va se révéler comédien, ses longs bras trouvent leur justification, ses mains peuvent s’exprimer. Il va pouvoir se donner au public, lui communiquer sa douleur d’être un homme, sa rage contre les injustices, sa soif d’absolu. Et chacun va se reconnaître dans cet 'impossible rêve'.  

    1958 à l'Olympia. Il n'est qu'en première partie de Philippe Clay mais il galvanise enfin le public. L’année suivante, il est en vedette à Bobino. Entretemps, Miche a tenté la vie parisienne avec ses deux filles. Mais, enceinte de la troisième, Isabelle, elle a préféré rentrer accoucher à Bruxelles. Elle y est plus entourée. BREL est attaché à sa famille à la manière d’un patriarche. "Il était très autoritaire", raconte sa fille France. Pour lui, les filles ne mettent pas de pantalon et doivent rester discrètes. Son contentieux avec les femmes ne sera jamais réglé. Quelques maîtresses s’y casseront les dents. "Je n’ai rien compris aux femmes", avouera-t-il. Son credo, c’est l’amitié: "Un homme, c’est prodigieux." Dans le lexique de BREL, masculin égale tendresse. Non Jef, t’es pas tout seul. Le féminin égale passion et désolation. 

    Les folles tournées et les nuits blanches 

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    Pendant sept ans, le chanteur enchaîne les tours de chant. Son quotidien, c’est la voiture. Jojo conduit. Lui, il pose sur le papier des mots, des idées, des images. "Écrire une chanson peut prendre cinq, six mois, c’est lent." Sa notoriété explose avec "La Valse à mille temps", puis "Madeleine". Il heurte la Belgique avec l’image caustique qu’il donne des "Flamandes". Toutes ses chansons comportent une part autobiographique: son service militaire ("Au suivant"), ses grands-parents ("Bruxelles"), sa peur des femmes ("Mathilde"), de l’embourgeoisement ("Les Bourgeois", "Les Singes"), de l’ennui, de l’abandon. "Il faut assumer sa peur. Vivre sans avoir peur, ce n’est pas vivre." Il a si peur qu’il vomit avant chaque concert. Sur scène, il se donne chaque fois, comme si c’était la première et la dernière. Il perd des litres de sueur, meurt derrière le rideau et ressuscite dans sa loge. Ensuite, il traîne dans les bars jusqu’au petit matin. "Un type qui entre du bureau ne se met pas au lit tout de suite, moi, c’est pareil." Sur la route, onze mois par an. Parfois trois concerts par jour. "Tu te figures que c’est normal de s’exhiber chaque soir devant des centaines de gens?"

    À ce rythme-là, il se vide. En quelques années du métier de chanteur, il a fait le tour, il refuse de se singer lui-même en "faisant du BREL". En 1966, il annonce: "J’arrête." Son dernier Olympia frise l’hystérie. Rappelé sept fois, il finit par revenir de sa loge, dégoulinant de sueur, en peignoir rayé, socquettes et chaussons, pour remercier son public pour ces "quinze ans d’amour."

    Dès lors, il lui reste deux grandes aventures à vivre: le cinéma (dix films, dont deux comme réalisateur) et la navigation (l’avion et le bateau). L’échec de ses films, notamment du second, "Le Far West", sera si douloureux qu’il abandonne la vie publique. Il conservera, du cinéma, l’amitié de Lino Ventura, rencontré sur le tournage de "L’aventure, c’est l’aventure", à qui il offrira les droits de "Mon enfance" pour financer sa fondation Perce-Neige, et celle de Claude Lelouch qui l’aidera à monter un cinéma sur l’île d’Hiva Oa, aux Marquises.

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    En 1974, il part en bateau pour un tour du monde avec sa fille, France, et sa nouvelle conquête, Maddly, une actrice guadeloupéenne. La navigation tourne vite au drame. Aux Açores, il apprend le décès de Jojo, son presque frère ("Six pieds sous terre Jojo, je t’aime encore") et rentre vite pour assister aux obsèques. Quelques jours plus tard, il fait un malaise. Les médecins diagnostiquent une tumeur au poumon. Il est opéré à Bruxelles.  Avec un lobe en moins, il reprend la mer. Aux Antilles, il se brouille avec sa fille et c’est seul avec Maddly qu’il accoste aux Marquises. Coup de foudre, fin du voyage. Il loue un bungalow en bois, se réinvente projectionniste, achète un avion, baptisé Jojo, pour transporter les habitants de l’île vers Tahiti.

    En 1977, il enregistre Les Marquises, son dernier album. Le cancer l’a rattrapé. Il meurt d’une embolie pulmonaire à Bobigny, le 9 octobre 1978. Il repose désormais aux côtés de Gauguin, aux Marquises. 

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 10 Mars 2021 à 07:03

    Un sacré bonhomme avec une vie extraordinaire, elle fut celle qu'il s'est choisie, mais il nous a laissé un magnifique héritage avec toutes ses magnifiques chansons

    Amicalement

    Claude

    2
    Mercredi 10 Mars 2021 à 07:53

    Bonjour Bertille, 

    triste vie mais de très belles chansons. 

    L'examen s'est bien passé , tout est nickel, 

    bonne journée, gros bisous, 

    Nadine

    Gifs animés "BON MERCREDI" - Balades comtoises

    3
    Mercredi 10 Mars 2021 à 09:56

    J'aime beaucoup "les Marquises" ...

    Bon mercredi Bertille et bises.

    4
    Mercredi 10 Mars 2021 à 10:19

    ☆BONJOUR   Bertille !

     

    C'est toujours avec un grand plaisir

    Que je prends un instant pour venir sur

    Ton bel univers passer un petit moment de détente.

    Pour y laisser un sourire

    Alors c'est très sincèrement que je te souhaite

    Un agréable mercredi  en ce 10 Mars 2021

    Le soleil est présent, mais il  fait un peu de vent 

    Quel immense chanteur que j'écoute souvent 

    J'en suis une fan absolue , avec Aznavour 

    Ferré, puis vient Pavarotti ;et maintenant Grand-corps malade

     

     

     

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    ¯¯♫¯¯¯¯¯♫¯\)¯¯¯¯♫¯¯\)¯♫¯¯¯¯'

    ░B░I░S░O░U░ S ░D░U ░C░O░E░U░R

    5
    Mercredi 10 Mars 2021 à 10:27

    Bonjour Bertille .

    Merci ,j'adore Jacques ,j'ai toutes ces chansons ,il me rappelle de bon souvenir ,il chantait très bien et ces chansons avais un sens .

    Bonne et agréable journée au jardin avec le soleil.

    Bisous. kettyn.

     

    6
    Zoe
    Mercredi 10 Mars 2021 à 14:28
    Et oui,un vrai poete.J'ai eu le plaisir de l'ecouter a ses debuts ,a l'Ancienne Belgique-quand il vivait encore a Bruxelles et moi aussi ...lol.
      • Mercredi 10 Mars 2021 à 16:33

        C'est un de mes chanteurs préférés et ses textes criants de vérité !!!

        gros bisous ZOÉ de ma campagne fleurie .

    7
    Mercredi 10 Mars 2021 à 18:18

    Bertille c'est super 1) merci pour ce magnifique bouquet 2) je suis pas super biographie sauf quant ce sont des êtres d'exception (dans mon idée) et bien je ne connaissais pas l'histoire de Jacques Brel, qui est un être d'exception sans aucun doute, la sensibilité si exacerbée ne vient pas de rien, c'est souvent des gens qui ont comme lui eu a combattre leur peur, leur chagrin, leur manque d'affection, tout à fleur de peau etc.. très contente d'avoir fait connaissance de sa vie, bien sur j'aimais ses chansons, j'aimais le voir jouer aussi il avait tellement une personnalité particulière, 3) la quiche bonne idée j'y penses pas souvent, merci pour tout. Amicalement.

    8
    Mercredi 10 Mars 2021 à 20:48

    un grand homme, et ses chansons reflétaient l'être qu'il été. Malgré tous les tourments, il a eu une vie bien remplie

    bon jeudi

    9
    Jeudi 11 Mars 2021 à 06:33

    Merci pour ce grand destin, j'ai apprécié de lire ce récit sur sa vie, merci beaucoup, j'aime cet homme !!

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